Déléguer les toilettes publiques aux commerçants : une fausse bonne idée ?
De plus en plus de communes signent des partenariats avec des commerçants pour permettre l'accès aux toilettes au grand public. Ces initiatives posent toutefois question sur le sort des toilettes publiques, accessibles à tout le monde, tout le temps.
C'est une tendance de fond qui se développe : organiser l'accès aux toilettes par le grand public par l'intermédiaire des commerçants, notamment les bars et restaurants. À Nantes, Montreuil et Grenoble, les municipalités se sont même alliées – pas gratuitement – avec l'application Ici Toilettes pour référencer ces sanitaires. Mais est-ce vraiment une bonne idée ?
Une proposition de loi portée par des députés de la France insoumise, déposée en fin d'année dernière, voulait imposer à tous les établissements recevant du public (ERP) l'obligation de laisser quiconque a besoin d'accéder à des toilettes de pouvoir le faire, sans « aucune condition d’achat ». Mais ce même texte imposait aussi la création de toilettes publiques dans les communes d'au moins 2 500 habitants, en mettant en place un certain ratio.
Certaines communes se sont associées aux commerçants pour permettre l'accès de leurs toilettes au grand public. C'est une pratique qui existe déjà : entrer dans un bar ou un restaurant et demander si on peut aller aux toilettes sans consommer, cela existe déjà. Ce qui change, c'est que les commerçants participant l'affichent, le plus souvent sur leur porte. Bruxelles a par exemple mis en place le réseau « toilettes accueillantes ».
Des commerces avec toilettes gratuites référencées
Ces toilettes sont aussi référencées, comme c'est le cas avec Ici Toilettes. « Une toilette publique coûte entre 20 000 et 30 000 euros par an pour la collectivité », justifie auprès de France Bleu Thomas Herquin. Et le directeur général d'Urban Services, l'entreprise qui développe l'application, de poursuivre : « En plus, 80% des femmes ne veulent pas les utiliser. Là, on a une réponse adaptée à ce besoin. » « Dans le centre, qui est très dense, c'est compliqué d'augmenter l'offre notamment à cause du manque de place et des avis de Bâtiments de France », justifie auprès de la radio Gilles Namur, adjoint au maire de Grenoble en charge des espaces publics.
Ce n'est pas bénévole, l'établissement recevant une petite enveloppe chaque mois par l'application, elle-même « subventionnée » par la municipalité. Selon France 3, l'intégration de dix commerces partenaires à l'application a coûté 20 000 euros la collectivité.
Mais que faut-il en penser ? Si l'initiative part d'un bon sentiment, elle interroge également sur ce que doit être l'espace public. Peut-on être assuré que vraiment tout le monde peut accéder aux toilettes de ces commerçants ? Les collectivités pourraient-elles s'appuyer sur ce type de système pour s'épargner l'investissement dans de véritables toilettes ouvertes au public, à tout le monde et à toute heure ? Si le constat est que les femmes ne veulent pas accéder aux toilettes publiques, le sujet n'est-il pas plutôt de rendre ces toilettes accessibles à elles plutôt que les reléguer à des sanitaires « semi-publics » ? La question se pose.