Toilettes publiques : pourquoi les femmes attendent plus que les hommes
La conception des toilettes non mixtes et le temps passé dans les sanitaires par les hommes et les femmes créent des disparités lorsqu'on veut accéder à des toilettes publiques. Des solutions existent.
C'est une scène qui ne surprend plus : celle d'une femme qui entre dans les toilettes des hommes pour pouvoir se soulager dans une cabine vide et ainsi éviter une longue attente côté dames. Dans les restaurants, les bars, les aéroports ou encore les festivals, il suffit d'ailleurs de voir à quel point les files d'attente côté femmes sont une norme quand elles sont presque inexistantes côtés hommes. Deux chercheurs belges se sont intéressés à ce sujet, répondant à une interrogation : pourquoi les femmes attendent plus souvent et comment faire pour que cela cesse ?
Wouter Rogiest et Kurt Van Hautegem sont deux chercheurs de l'Université de Gand (UGent). C'est en 2017 qu'ils se sont penchés sur la question en partant d'un exemple, celui des files d'attente pour les femmes devant les toilettes publiques des festivals. Pour trouver une explication et une solution, ils ont fait appel... aux mathématiques. « Après tout, les files d'attente sont des systèmes non linéaires complexes avec un certain nombre de paramètres, où de petites différences dans les paramètres entraînent de grandes différences dans le temps d'attente », justifient-ils, dans un article publié sur EOS Wetenschap.
Moins de toilettes pour les femmes
L'attente plus longue côté femmes s'explique donc par plusieurs motifs, expliquent les chercheurs. Le premier ? Le nombre de toilettes. Il est classique d'avoir un espace sanitaires de même taille quelque soit le sexe, mais quand vient le temps d'aménagement on peut mettre davantage de toilettes côté hommes que côté de femmes grâce aux urinoirs. Résultat : les chercheurs estiment à « en moyenne 20 à 30 % de toilettes en plus pour les hommes ».
Cette explication n'est pas la seule. Cela ne surprendra personne : les femmes mettent plus de temps aux toilettes que les hommes – certaines études estiment le temps passé par les femmes à deux fois celui des hommes. Pourquoi ? Il n'y a pas de porte à un urinoir, les femmes doivent le plus souvent nettoyer la lunette et mettent plus de temps à se dévêtir. Il faut ajouter à cela, pour certaines, la « gestion » de leurs règles menstruelles.
Une minute contre moins de deux secondes
Reprenons donc le calcul réalisé par les chercheurs belges. Imaginons dix toilettes pour chacun des sexes, un temps nécessaire aux hommes d'une minute et de une minute trente pour les femmes. Ajoutons à cela une arrivée toutes les dix secondes. « Les femmes attendent en moyenne une minute pleine, tandis que les hommes endurent en moyenne 1,52 seconde d'attente », révèlent Wouter Rogiest et Kurt Van Hautegem. Incroyable !
Le temps d'attente explose plus encore quand les toilettes sont occupées bien plus que leur capacité. Ainsi, les chercheurs ont réalisé ces mêmes calculs en simulant l'envie pressante de beaucoup beaucoup de monde : dans une combinaison 10 sanitaires femmes et 12 sanitaires hommes (correspondant à un ratio courant), le temps d'attente pour les femmes peut atteindre jusqu'à 12 minutes quand il est au maximum d'une minute pour les hommes. Et passé un gros flux, il faut parfois jusqu'à deux heures côté femmes pour retrouver un temps d'attente normal quand 15 minutes suffisent côté hommes.
La nécessité d'un meilleur équilibre
Quelles solutions, alors ? Les chercheurs pointent l'importance d'un meilleur équilibre des toilettes, avec plus de sanitaires féminins que de sanitaires masculins. Combien ? On arrive à un temps d'attente quasi semblable quand il y a 1,5 à 2 fois plus de toilettes femmes que de toilettes hommes. Une autre solution est la mise en place de toilettes mixtes, avec des urinoirs. La solution ultime à l'égalité sur le temps d'attente est à peu près la même, mais sans urinoir : hommes et femmes devraient tous passer en cabine. Cette solution a le défaut de faire augmenter le temps d'attente... pour tout le monde.
Ces enseignements sont déjà mis en pratique dans certains endroits, notamment dans les festivals. À New York (mais pas que), la loi oblige de construire plus de toilettes pour femmes que pour hommes. Dans certains bars, il n'y a que des toilettes mixtes. D'autres innovent : par exemple à Ground Control, à Paris, on trouve des toilettes pour les femmes, mais pas de toilettes pour les hommes... Ces dernières sont mixtes : c'est-à-dire que les femmes peuvent y venir pour éviter d'attendre, sans prendre le risque de se faire jeter.